Transatlantique, première partie. Carnet de bord.
J’avais décidé de tenir un carnet de bord. Pour moi. Pour noter les jours qui s’égrainent. Pour voir si les journées seraient différentes des unes des autres. Pour ne pas oublier ces petits riens qui font tout. Pour revivre plus tard chacun de ces instants.
Et puis je me suis faite happée par le flot des mots au rythme des vagues. J’ai eu envie de partager ce carnet ici. Avec ceux qui veulent. Ce n’est certes pas La Longue Route de Moitessier. D’ailleurs je ne m’appelle pas Bernard. Mais c’est ma petite route à moi.
Lundi 25 novembre 2013
On croit que c’est le grand départ, et puis finalement c’est un faux départ. Du moins, nous faisons tout pour.
Retour au port une minute après avoir largué les amarres, j’ai oublié mes gants de voile au bar où nous venions de prendre un verre. La classe. Ce qui me rassure, c’est qu’une fois arrivée sur place, je vois que je n’étais pas la seule tête en l’air. Je récupère les affaires de tout le monde, et on embarque. 2ème départ donc.
Une fois les courses effectuées à Fuerteventura, nous appareillons dans la nuit pour démarrer cette fameuse transat. A nouveau un superbe faux départ, plus ennuyeux celui-là : un bout* s’est pris dans le safran* tribord*, la barre est bloquée. Comme il fait nuit noire, il faudra attendre demain matin pour plonger et couper le bout. Nous décidons donc de jeter l’ancre pour la nuit. Et là, autre erreur, nous venions juste de ranger la dite ancre, étant persuadés que nous partions pour de bon… Un joli vent de panique -contrôlée- pour la sortir du coffre (évidemment, tout était bien démonté, bien rangé, et donc pas du tout prêt à être mis à poste rapidement) tandis que le bateau dérive doucement vers un gros paquebot. J’adore. On finit par se mettre au mouillage, il est 1h du mat’, on va se coucher, ça suffit les bêtises. Le 3ème départ sera pour demain matin donc (mais bon, on n’est jamais à l’abri d’une surprise).
Et la journée ? Des dauphins sont venus nous saluer sur le trajet Lanzarote-Fuerteventura. Enfin, il parait. Je ne les ai pas vus, c’était le moment que j’avais choisi pour dormir comme une bienheureuse dans ma cabine. Ça commence bien, tiens.
Mardi 26 novembre 2013
Un petit plongeon de bon matin pour Joël qui nous libère le safran. Et là, ça y est ! Nous sommes partis. Pour de vrai de vrai. Un joli soleil, un petit vent, grand largue, une mer calme. Le rêve. Le rêve devient réalité.
Le vent tombe, nous décidons de sortir le gennaker* pour remplacer le génois*. Quand je dis « sortir », c’est au sens propre, il est lui aussi, bien rangé. Le mettre à poste nous prend un petit bout de temps, juste assez pour que le vent tourne et passe franchement vent arrière, et là, Joël très excité décide de sortir le spi (sortir, parce que… etc.). C’est là que nous assurons comme des bêtes :
on pourrait croire qu’entre un skipper instructeur des Glénans, un futur propriétaire de bateau, et une petite mousse de régate, on arriverait à mettre à poste un spi rapidement. Que nenni. La manœuvre nous prend quasiment une heure, avec des petites erreurs. Moi, ça me fait marrer. Surtout en pensant à mes amis skippers qui seraient devenus fous en régate si nous avions fait cela à l’approche d’une bouée au vent. J’entends d’ici la grosse voix d’Alain B, ou plutôt non, il n’aurait rien pu dire, il serait déjà en train d’en manger son bonnet ! Mais comme nous ne sommes pas en régate, tout va bien.
Quelle récompense ! Cela valait le coup. Le bateau file sous spi, le soleil se couche doucement face à nous… Joël a un grand sourire comme un enfant heureux. Nous aussi.
Premier quart de nuit. Alors, tout d’abord, je tiens à préciser qu’un quart de nuit quand il y a trois équipiers devrait s’appeler un tiers. Tiers de nuit, de 3h30 exactement, cherchez pas c’est comme ça. A veiller. A checker l’horizon et le radar toutes les 15 minutes. Pas facile à faire quand le mal de mer commence à pointer le bout de son nez. J’ai un peu honte, c’est la première fois que cela m’arrive, alors je fais comme de rien n’était. Pas sûre que je trompe grand monde. Il parait qu’il faut 2 ou 3 jours pour s’amariner.
C’est encore long 2 ou 3 jours ?
Mercredi 27 novembre 2013
L’océan n’est pas ostensiblement méchant, mais il est franchement inamical. Du moins aujourd’hui. L’eau est sombre, très sombre, assortie au ciel gris et bas. Le vent a tourné dans la nuit, nous sommes au près, les vagues claquent sur le pont. Et surtout sous la nacelle, la partie habitable entre les deux flotteurs du catamaran. Le bruit est impressionnant. Cette nuit, je comparais ce claquement et les vibrations produites à un coup de tonnerre qui tomberait à quelques kilomètres de chez soi quand on est à terre. Les sensations sur un catamaran sont définitivement différentes d’un monocoque. Le bruit donc, les mouvements aussi, ouh là là, mais ça bouge cette bête là. A moins que cela ne soit la houle du jour. C’est curieux, j’ai toujours considéré le mot houle, comme un mot gentil et doux, une petite houle, des petites vaguelettes qui irisent la mer… Mon œil, oui. La houle est là, elle fait mal, avec ses vagues de 2 mètres à cadence rapprochée. Et bien, si un monocoque glisserait sur ces vagues là, certes en gitant en veux tu en voilà, le catamaran, lui, se soulève d’un côté, plonge de l’autre, prend la vague qui va claquer sur la carène. Du roulis, et aussi un peu de tangage, 2 pour le prix d’1, c’est la promo du jour, autant en profiter.
Et dire qu’un catamaran est plus confortable, je ne veux pas faire un test comparé là maintenant. Mon corps ne le supporterait pas. Je me sens de moins en moins bien. Le sang a quitté mes joues depuis longtemps, et je crois qu’il a aussi quitté mes genoux. Je pense à mes copines qui sont malades à peine avoir posé le pied sur un ponton (voire même en conduisant en voiture !), je ne comprenais pas ce qu’elles éprouvaient, maintenant j’en ai un petit échantillon. Comme Gérard est n’est pas dans un meilleur état que moi, pour ne pas dire pire, je déculpabilise. Pour l’instant, au large je n’en mène pas large.
Joël est donc ravi de son équipage de choc. Il est beau joueur, discret, et s’occupe de tout pour le déjeuner. Et là je retrouve ma pêche. Par sursauts. Puis complètement quand le vent tombe et que la houle se calme. Pas top pour notre vitesse, mais excellent pour notre moral, il faut avouer.
Pendant que Gérard récupère, Joël et moi profitons de l’accalmie : un autre bain de mer pour Joël qui enlève cette fois la traine de pêche coincée sous le bateau (nous sommes des stars, là, c’est certifié), identifier et colmater la petite voie d’eau dans le flotteur bâbord (facile, c’est dans ma cabine), apprécier la poussière rouge du Sahara que le vent a amenée sur le pont, prendre une douche (oui, avec la houle, ça n’était venu à l’idée de personne), et faire la cuisine d’avance pour les prochains jours mouvementés. Nous fêtons tous les trois cette fin de journée faite de rose aux joues retrouvé par un apéro digne de ce nom et un diner maison qui sent bon. Il y a des petites joies qui sont grandes.
Je prends le premier quart de nuit, le plus facile. Je repère un feu louche sur notre tribord, rien sur le radar, mais le feu rouge persiste. Bizarre. Peut-être me fais-je un film-qui-fait-peur à coups de pirates des temps modernes ? Nous ne sommes pas si loin des côtes mauritaniennes… Je réveille Joël. Evidemment, quand il arrive sur le pont, plus de feu. Je me sens un brin penaude, mais pas rassurée pour autant. Je passe une partie de la nuit dehors, sait-on jamais…
Jeudi 28 novembre 2013
Calme. Calme. Pas de vent, pas de houle.
Nous naviguons au moteur, tout doucement, juste ce qu’il faut pour ne pas être à l’arrêt et aller un peu de l’avant quand même. A moins de 5 nœuds, nous ne sommes pas arrivés au Cap Vert…
Journée bleue. Dégradé de bleus dans le ciel, dans la mer. L’image cliché mais si apaisante de la ligne d’horizon infinie. Le ronron des moteurs à l’arrière, le frou-frou de l’eau à l’avant.
Un petit déjeuner qui s’étire aux premières heures du jour, propice à un beau moment d’échanges.
Je profite de cette douce matinée à lire sur les trampolines, à rêver, à en prendre plein les mirettes. Et si 8 mois c’était vraiment court pour un Tour du Monde qui veut prendre son temps ?
L’après-midi est plus actif avec le briefing sécurité, il était temps. Nous sommes maintenant incollables sur les procédures en cas de blessés, d’homme à la mer, d’incendie, de voies d’eau, d’évacuation. En théorie. Pour la pratique, pas vraiment envie d’essayer.
Une fin de journée tout aussi paisible et douce. Le vent devrait revenir dans la nuit, ça sent le hissage de grand-voile à 1h du mat’, juste au début de mon quart, au moins cela me réveillera.
Se faire réveiller juste après quelques heures de sommeil… Alors qu’il est si bon de dormir bercée par les mouvements du bateau… C’est un peu comme se faire piquer le gâteau au chocolat qu’on était en train de manger, la bouche grande ouverte, et clac, dans le vide ! Grrrr…
Il fait nuit noire quand je prends mon quart. Je goute l’air doux, une tasse de thé brulante à la main. Le bip bip toutes les 15 minutes me tire de ma rêverie pour un contrôle bateaux. Les pensées voguent au gré des vagues. Cela valait le coup de sortir de sa couette.
Tout à coup, à un mètre de moi dans le cockpit, je perçois un mouvement anormal. Un truc noir qui fait flap flap. Je fais un bond haut comme ça, le palpitant à fond les ballons. Puis je me ravise, hier c’était le coup du feu rouge non identifié, cette fois-ci cela doit être un linge humide qui bat au vent.
Mais non, il y a bien quelque chose de vivant, juste là. Mes yeux s’habituant à l’obscurité, je vois un petit oiseau noir pas très en point. Depuis quand est-il là ? Qu’est-ce qu’il fait loin des côtes ? Ses mouvements d’ailes désordonnés me font sursauter à chaque fois. Je ne sais pas exactement ce qu’il faut faire. J’aimerais lui donner à boire, mais il est collé à la vitre du carré* et si j’ouvre la porte pour aller chercher de l’eau, on est bon pour cohabiter à l’intérieur du catamaran quelques temps. Finalement il se calme et se pose à côté de moi, on attend. On attend je ne sais quoi, mais on attend. Il ne se passe rien, et c’est cela qui est bon.
Et là, un deuxième oiseau arrive. Celui-là, je l’ai clairement vu venir se poser. Enfin, se poser c’est vite dit, il est arrivé en ligne droite, genre départ lancé, catapulté depuis la stratosphère, avec juste ce qu’il faut d’amorti au final pour ne pas faire de bruit. J’ai poussé un cri, et un juron pour le même prix. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? C’est le radeau de la méduse des oiseaux mauritaniens ici ? On se joue un remake d’Hitchcock ? Blague à part, on fait quoi tous les trois maintenant bloqués dehors, hein ? C’est curieux, ils battent des ailes, mais ne volent pas. Il doit y avoir un truc. Un oiseau fatigué d’accord, mais deux, il y a un truc. Je les laisse se reposer. Au bout d’une heure, je les emmène à l’arrière du bateau pour qu’ils puissent prendre le vent. Ils s’envolent ! C’était donc des oiseaux planeurs, incapables de décoller tous seuls sans vent. Pas pratique, ça. Ils ne restent pas loin du bateau, à moins que ça ne soit d’autres de leurs potes, je ne sais pas. Je profite de la voie libérée et du pont déserté pour déserter moi aussi et me mettre fissa à l’intérieur… Il pleut de nouveau des oiseaux, j’y retournerai dans 15 minutes. Au bip bip.
Vendredi 29 novembre
Journée grise, crachoteuse, mer d’huile. Pas de vent, nada. Un avant-goût du fameux pot au noir qui nous attend entre le Cap Vert et le Brésil.
Journée également placée sous le signe de la fête aux papilles : les gars pêchent leur premier thon,rouge de surcroit. Un grand sourire victorieux illumine leur visage. Le mythe de l’homme chasseur pêcheur est indétrônable, et moi j’apprécie pleinement ce mythe à l’heure du déjeuner.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Joël nous régale de son pain maison, je n’aurais pas imaginé manger du pain frais en plein milieu de l’océan !
Le vent se lève faiblement, vent arrière, ça sent bon le spi. Une heure à nouveau pour mettre le spi à poste, apparemment c’est le tarif. Humeur maussade de l’équipage après une nouvelle erreur qui vaut à Joël un petit bain de mer pour un bout qui s’est fait la malle… Une petite pluie fine nous accompagne, vivement un rayon de soleil pour mettre du baume au cœur !
Je suis un peu perplexe quand je vois les estimations qui donnent 4 jours encore de navigation si nous continuons à cette vitesse. Evidemment, nous espérons bien aller plus vite quand nous serons sortis de cette zone sans vent. Il n’empêche. Avec le départ quelque peu retardé et notre allure actuelle, nous ne pourrons rester longtemps au Cap Vert comme prévu si nous voulons être avant Noël au Brésil. Cela me pose question quant à comment je veux vivre ce Tour du Monde. Prendre son temps, ne pas penser à demain, accepter de ne pas aller où j’en avais eu initialement envie. Pas facile. Je suis en plein dedans.
Quart de nuit un peu complexe. Le vent tourne de presque 180 degrés en quelques heures. Je règle les voiles, dans la nuit, sous la pluie, avec le vent qui forcit. Je borde. Je change le cap, légèrement, et puis franchement. Je reborde. Ceci pendant les 3h30 de mon quart. Avantage indéniable : la tension m’ôte toute envie de piquer du nez. Mais je ne cache pas ma joie de passer le relais à Gérard. C’est le moment où le vent tombe franchement, il va avoir droit à un autre exercice…
Samedi 30 novembre
Décidemment, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. La météo ne nous est pas favorable, c‘est un euphémisme. Pas de vent. Une légère pluie s’invite de temps à autre. L’impression non usurpée d’être sur une petite coquille de noix un peu perdue dans l’immensité d’un océan désespérément calme. Joël a décidé depuis deux jours de ne pas mettre les moteurs, nous faisons une traversée à la voile, non ?
Gérard joue le coach sportif pour une petite séance de gym matinale à l’avant du bateau, s’agirait pas qu’en plus on arrive à l’état de protozoaire neurasthénique ! Des tortues se marrent en nous voyant passer…
N’empêche. Ce n’est pas ainsi que j’imaginais une traversée. Pas à l’arrêt en tous cas. Nous espérons tous que le vent nous soit favorable, question de timing et de moral.
Quart de nuit actif, le vent s’est quelque peu levé, et comme il est taquin, il tourne. Réglage de voiles, changement d’allure, correction de cap. Tout en douceur cette fois-ci…
Dimanche 1er décembre
Tiens nous sommes en décembre ? Pour fêter ce premier jour de l’avent, le dit vent se pointe, le soleil aussi. Double effet : nous avançons et l’humidité redescend à un taux acceptable (nous étions à plus de 80%).
Le rythme des journées commence à s’installer. Récupération du quart de nuit en matinée, enfin, surtout pour moi qui répond aux abonnés absents jusqu’à l’heure du déjeuner. Repas pris tous ensemble. Après-midi sieste pour ces messieurs, et surtout bricolage.
Je ne sais pas si c’est inhérent à la voile au long cours avec équipement sophistiqué ou si c’est nous, mais il y a toujours quelque chose à réparer. Parfois, on provoque ces choses-là… Aujourd’hui, cela sera l’ordinateur de bord qui fait la grève (les voies de l’informatique sont impénétrables, même en mer), et un désalinisateur qui ne ferait pas son office (normal, un robinet est malencontreusement ouvert).
La phrase du moment est indéniablement « Ca va Joël ? Ça fonctionne ? ».
Le vent décide de s’en aller aussi vite qu’il était venu. Contraints, nous mettons les moteurs, doucement, car il ne nous reste pas beaucoup de carburant.
Estimations optimistes : encore 2 jours, voire 3, pour attendre le Cap Vert. Cela va être dans les annales de la navigation la plus lente ! Gérard arrive à en blaguer mais il aimerait bien arriver. Joël s’en moque, pour lui c’est une croisière, qu’elle prenne 5 ou 20 jours. Quant à moi, je suis un peu perdue et je pense à la suite.
Quart de nuit en douceur. Rien à faire, juste à attendre l’aube en observant les nuances de noir, puis de bleu nuit, et entrevoir l’horizon qui se dessine en prenant son temps…
Lundi 2 décembre
De mieux en mieux. Toutes les statistiques connues sont explosées. Notre vitesse avoisine ce matin 1 nœud*. Soit moins de 2 km/h. L’eau ne fait même plus de bruit sur les coques, pas même un petit clapotis, rien ne bouge, rien. Si ça continue, je prends mon sac à dos, mes chaussures de rando, et je demande à JC comment marcher sur l’eau, et c’est parti ! Finalement, Joël a pitié de nos yeux de cocker, et nous nous offrons le luxe d’un demi-moteur pour avancer à 4 nœuds, en gardant toujours un œil sur le réservoir de carburant dont le niveau descend inexorablement.
C’est en début d’après-midi que le miracle se produit. Oui, à ce niveau là, il est possible de parler de miracle. Le vent arrive, régulier qui plus est, tant dans sa force que sa direction. Les voiles sont hissées, réglées, et nous voilà enfin partis à 7 noeuds, sereinement. Cap sur le Cap Vert ! Est-ce que ceci va durer ? J’y crois, moi. Je crois aux miracles. Je ne suis pas la seule, les dauphins viennent nous saluer et jouer avec notre vitesse retrouvée, le temps d’un coucher de soleil. Ma-gi-que ! Je ris, je sautille, j’ai 5 ans d’âge mental, j’adore !!!
Nous nous voyons arriver le lendemain au Cap Vert ! Mais notre joie n’est que de courte durée. La nuit tombe, le vent aussi. Au moment où je prends mon quart, nous sommes à 0,4 nœud. Le carburant de réserve, celui « au cas où », est préempté, moins pour avancer que pour nous éviter une belle dérive. Une grande lassitude m’envahit. Je suis fatiguée, j’ai envie de marcher, de voir d’autres visages, et même si je n’ose le penser vraiment, j’appréhende la suite de la traversée jusqu’au Brésil. Je pars m’endormir dans le creux de la nuit en espérant que le vent revienne demain…
Mardi 3 décembre
Les miracles n’ont lieu que les lundis apparemment. Le bateau suit le rythme du vent, absent. Le soleil est fort comme au milieu de l’été sous nos latitudes, ça réchauffe un peu les cœurs.
Si tout va bien, avec le peu de carburant qui nous reste et les quelques souffles de vent, nous devrions être au Cap Vert demain. Au point où nous en sommes, pas la peine d’aller trop vite (est-ce Dieu possible ?) pour ne pas arriver en pleine nuit dans la baie de Mindelo truffée d’épaves affleurantes, de feux qui ne fonctionnent pas et d’autres espiègleries capverdiennes.
Nous avons tous en tête ce que signifie l’absence de vent à l’approche du Cap Vert. Pas d’alizées. Donc pas de départ pour le Brésil. C’est en silence, que nous voguons, lentement, très lentement, vers l’archipel qui se dessine au loin.
L’arrivée approche, nous hissons enfin le pavillon du Cap Vert.
Cela devait être une joie, mais le cœur de l’équipage n’y est plus, je crois qu’il s’est envolé avec les quelques dernières bribes de vent…
Arrivée prévue au petit matin. Le mercredi 4 décembre donc. 9 jours plus tard.
Mercredi 4 décembre
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(*) Petit lexique à l’usage des non voileux :
- Bâbord = à gauche du bateau en regardant l’avant. Il parait que c’est car le cœur bat à gauche.
- Bout = cordage d’un bateau. Prononcez « boute », c’est comme Avoriaz ou Chamonix, y a un piège.
- Carré = espace à vivre à l’intérieur du bateau, du tout-en-un : hall d’entrée, cuisine, salle à manger, petit salon, salon de réception… Comme son nom l’indique, un carré n’est pas forcément carré.
- Génois, gennaker = deux types de voile d’avant, je vous expliquerai bien la différence mais je crois que ça n’intéresse que moi.
- Nœud = 1 nœud, c’est 1 mile/heure. Sachant qu’1 mile c’est 1,852 km, pour les calculs, c’est là où ça comment à faire dans ma tête un sac de nœuds
- Safran = aileron sous l’eau qui permet d’orienter le bateau. Quand j’étais petiote, j’appelais ça un gouvernail, mais en fait, non ce n’est pas exactement ça.
- Spi = voile d’avant, grande et légère, un peu en forme de ‘bulle’, parfaite pour le vent arrière. La voile qu’adorent les skippers et qui met tout l’équipage en tension. La voile où les bêtises expriment leur potentiel maximum.
- Tribord = si ce n’est pas bâbord, c’est tribord. Facile pour nous les filles. A droite du bateau donc, en regardant toujours l’avant, vous voyez on y arrive sans se tromper !
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