Noah, « je n’ai pas de limite, pas de frontière »

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Noah se prononce un peu comme Nour, la lumière.
Une lumière en Palestine.

Car Noah est Palestinien, il est né à Zacharie, a vécu 17 années en camp de réfugiés sous tente, puis 15 en prison. La liberté à tout prix a un prix. Surtout si elle est aux dépens de celle des autres.

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« Maintenant j’ai une maison et une famille. » Noah habite à Bethléem, avec sa femme et une de ses filles. L’autre est aux États-Unis. Le fils, lui,  est en Italie. Seule sa femme, de 17 ans sa cadette, n’a pas le Sésame administratif pour sortir du territoire. Aucun des enfants ne veut revenir en Palestine. « Tu sais, mon fils fait comme moi, il étudie comme moi la résolution de conflits. »

Car Noah est « Peace Facilitator » ou « Peace Mediator », activiste pour la paix comme il le dit aussi.
Par exemple ?
« J’ai travaillé avec des journalistes palestiniens et israéliens sur le traitement de l’information. Nous étions deux facilitateurs, un homologue israélien était avec moi. La question était « Vous vous dites tous neutres et professionnels. Pourquoi un même fait donne-t-il deux versions complètement différentes ? » ».
Mais il ne traite pas que le conflit israélo-palestinien. Il a travaillé en Irak. Également, avec les différents chefs religieux de la zone, toutes religions confondues, et là il y a de quoi faire. Son introduction du débat vaut des points : « Vous êtes tous envoyés par Dieu pour la paix sur Terre. Cela fait 2000 ans que vous essayez. Force est de constater que vous avez échoué jusqu’à présent. » Le ton est donné.

Mais avant tout, Noah est pour moi celui qui m’accueille dans sa famille pour une journée à Bethléem.
Il veut me montrer ce que vivre en territoires occupés veut dire. « Je n’ai pas choisi ma couleur, je n’ai pas choisi d’être Palestinien, je n’ai pas choisi d’être occupé. »

Il me parle de la guerre de l’eau. Depuis que le mur enceint les sources, les Palestiniens sont dépendants des livraisons d’eau israélienne.
Il me parle de l’impossibilité de développement des territoires occupés : pas de terres cultivables, pas d’industries. Deux options : travailler pour l’administration palestinienne (dépendant en grande partie de l’aide internationale) ou travailler en Israël (et se prendre les 2 fois 2 à 3 heures quotidiennes de passage du check point).
Il me parle des mosquées fermées dans les zones contrôlées par les Israéliens. Dont celles de la Vieille Ville, comme j’ai pu le voir le vendredi.

Il cite à tour de bras Voltaire, Rousseau, Camus, Sartre, Beauvoir, Hegel, Dostoïevski. Il a eu le temps de les lire en prison. Cela fait presque 30 ans maintenant qu’il est sorti, mais ses lectures l’ont marqué. À moins que cela ne soit l’idée d’y avoir accédé, j’hésite. Évidemment, il n’est pas prêt d’oublier « Sartre et sa grande soif de liberté ».
Il enchaîne ensuite sur la France : « Ces gens m’ont fait rêver en prison. Qu’est devenu le Pays des droits de l’Homme ? Je ne le comprends pas aujourd’hui ».

Et d’embrayer sur un cours d’histoire raccourci de la création d’Israël. L’Europe en prend un coup, logique. Pourtant, il attend beaucoup de la capacité de pression économique européenne comme une clef possible.
On ne s’arrête pas à Israël. Il part ensuite sur un cours d’Histoire moderne et politique de l’Afghanistan.
J’écoute, j’apprends, j’essaye de faire le tri. Il y a des pays où, à l’heure du café, on ne parle pas des dents du petit dernier…

Quand au détour de la conversation je lui demande quel est le plus loin où il est allé, il me regarde droit dans les yeux et me dit : « Le plus loin ? Je n’ai pas de limite. Pas de frontière. »
Il y a des réponses qui n’appellent pas de commentaire de peur d’en diminuer la force.

En partant, sa femme remet son foulard pour la photo. Ce qui énerve Nour qui ne croit plus en Dieu. « Qui est Dieu, s’il existe pour laisser faire cette situation ? »
Sa femme me donne de l’huile qu’elle a produite avec les olives du jardin. Un goût fort et dense. Comme cette journée avec eux.

 

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